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EXTRAIT DU CHAPITRE
I
Le récit
d'Angèle
-
Prendre connaissance du récit d'un expérienceur
reste encore la meilleure façon d'aborder le thème.
Elle confronte directement le profane à ce
phénomène pour le moins curieux. Ce chapitre initial
est donc consacré au témoignage ayant motivé
mon intérêt pour les EMI. Les
événements auxquels il fait référence
se sont déroulés en août 1984. Angèle,
une amie de toujours, principal protagoniste de l'affaire, m'en a
fait le récit dans les heures qui ont suivi son "
fantastique voyage " ; ce sont ses propres mots.
- Je n'ignorais pas, alors, qu'un épisode d'allure
dépressive l'affectait péniblement depuis quelques
temps déjà. Son état, avait-on pensé,
devait être consécutif au surmenage et à une
accumulation de tous ces stress négatifs engendrés
par nos modes de vie ; diagnostic passe-partout auquel avait
abouti le spécialiste consulté. Cette explication ne
l'avait pas satisfaite, aussi s'était-elle adressée
à d'autres médecins. Jusqu'à un psychiatre
qui avait proposé de l'hospitaliser pour une cure de repos
alors qu'elle était à quelques jours de ses
congés annuels !
- Elle désespérait de recouvrer sa santé,
lorsqu'une amie lui avait suggéré de consulter un
homéopathe qui avait fait des miracles pour l'un de ses
parents. Angèle s'était laissée convaincre.
Que risquait-elle, en définitive, à recueillir un
avis supplémentaire ? Elle avait pris rendez-vous
sur-le-champ.
- Lors de la première consultation son interlocuteur lui
était apparu comme un homme qualifié, scrupuleux et
compréhensif. Subjuguée, elle s'était
montrée étonnamment réceptive dès cet
entretien initial. Mais elle allait vite déchanter !
- Au cours des consultations suivantes le propos avait fait
place, progressivement, à une série de suggestions
enregistrées avec une facilité déconcertante.
D'après elle, cet homéopathe, en fait un habile
manipulateur, était parvenu à incruster des messages
ou certaines directives dans son subconscient : " Il
écrivait en moi comme sur une page blanche ! "
- Jusqu'à ce matin du mois d'août, lorsque mister
Hyde, comme elle l'appelle avec un sourire douloureux, a
déposé sur sa langue trois gouttes d'une
mystérieuse préparation. " Pure ", lui avait-il dit,
en précisant qu'il s'agissait du même produit que
celui contenu dans le flacon qu'il lui remettrait à la fin
de consultation.
- Mais laissons Angèle poursuivre.
-
- " Ces trois gouttes, on aurait dit de l'eau. Puis, je me suis
immédiatement sentie partir... J'étais bien, tout en
éprouvant un brutal sentiment d'étrangeté.
Cet état plus ou moins euphorique n'a pas duré.
Très vite j'ai été prise d'un profond
malaise. Je me sentais à la limite de
l'évanouissement.
- J'ai eu un mal fou à conduire jusque chez moi. Je
pleurais, je tremblais, ma vue se troublait, mes oreilles
bourdonnaient, mes idées étaient confuses. Je savais
qu'il me faudrait diluer le liquide du flacon dans un peu d'eau
minérale et en prendre cinq gouttes, trois fois par jour.
C'était la seule chose vraiment claire dans mon esprit.
Arrivée à la maison j'ai immédiatement
ajouté l'eau minérale et pris les cinq gouttes
prescrites.
- Puis, dans ce triste état, j'ai gagné ma
chambre, épuisée. Je me suis allongée sur le
lit, les yeux mi-clos, le regard obscurci, perdu dans les brumes
laiteuses du plafond. Les larmes roulaient sur mon visage et
laissaient place en s'évaporant à des chatouillis
désagréables. Je n'y prêtais aucune attention.
Je ne luttais plus. Pour tout dire, j'avais l'impression que la
fin était arrivée. D'ailleurs je commençais
à suffoquer. Mon cÏur battait la chamade et il
palpitait douloureusement dans tout mon crâne. Ses
pulsations martelaient mes tempes avec violence alors que je
sombrais dans une curieuse léthargie.
- Soudain, comme par enchantement, tout s'est inversé.
L'instant précédent mon cerveau était la
proie d'un tourbillon de pensées tumultueuses et là,
subitement : chraaak ! La douleur s'efface, le voile se
déchire, la grisaille s'éclipse, laissant
apparaître un tableau différent... Opposé,
serait plus juste : une quiétude absolue, une sensation de
bien-être comme je n'en ai jamais connue. Mes repères
habituels disparaissent et voilà que j'existe dans une
espèce de néant confortable. Je ne dors pas, j'en
suis sûre.
- Il s'est produit ensuite une autre cassure, encore plus
extraordinaire : voici que je me trouve hors de mon corps ! Moi...
je veux dire la partie de moi qui pense, qui est capable de voir,
d'analyser et de comprendre, s'est mise à exister en dehors
de la partie corporelle restée sur le lit. C'est incroyable
! Vraiment incroyable ! Tout d'abord je me suis sentie partir
vers le haut, légère, légère, de plus
en plus légère... Cette ascension s'est poursuivie
jusqu'au plafond où je me suis arrêtée
à côté du lustre, contemplant mon corps. Car
je me voyais très nettement, là en-dessous,
allongée sur le lit. Ce qui m'a le plus marquée
alors, c'est une impression de détachement ; c'est le moins
que l'on puisse dire. Mais je veux d'abord parler d'un
détachement affectif par rapport à cette carcasse de
chair inerte et dérisoire.
- Très vite, j'ai pris conscience de mon nouveau statut :
j'étais devenue esprit ! C'était indéniable.
Après un moment de flottement c'est aussi le mot qui
convient , sûrement nécessaire à mon
adaptation à cette nouvelle condition, la question de ma
propre mort était venue m'arracher à la douce
quiétude dans laquelle j'étais plongée. "
Suis-je morte ? " me demandais-je, incrédule. Tout le
laissait paraître, il fallait me rendre à
l'évidence.
- J'acceptais l'idée de mon décès sans
réelle émotion. J'en faisais le simple constat.
Comme si cela ne me concernait pas directement ou n'avait pas
grande importance. Ma propre mort semblait un
événement parfaitement banal. En moi, aucune
réaction affective ne lui faisait écho sauf,
à la rigueur, une certaine compassion pour la forme humaine
que j'abandonnais. Mais pas de quoi en faire un drame !
- C'est à ce moment-là que j'ai été
catapultée dans le cosmos. Cosmos est le terme qui convient
tout à fait pour désigner l'environnement de ce
fantastique voyage : une obscurité totale, silencieuse,
constellée d'une myriade d'étoiles. Attirée
par l'une d'elle, dont la brillance ne cessait de croître,
je filais à une vitesse vertigineuse. La pénombre
s'effaçait à mesure que ma fulgurante progression me
rapprochait du générateur de ce fantastique
rayonnement. Je me suis dit : " c'est sûrement
ça la vitesse de la lumière ! " Au même
instant tout est devenu lumière. J'étais
moi-même imprégnée d'une formidable
clarté dorée. Et si mon émotivité
avait été peu sollicitée dans un premier
temps, je n'avais rien perdu à attendre. J'allais l'avoir,
mon compte d'émotions !
- Plus j'approchais de la source lumineuse, plus je ressentais
une vie, une présence, dans cette brillance mille fois plus
puissante que le soleil. Je n'en étais nullement
aveuglée pour autant. Intraduisible, inexprimable... Il
n'existe aucun mot pour décrire cette lumière et
dire le bouleversement qu'elle suscite.
- Mon intuition ne m'avait pas trompée, cette
féerie céleste était habitée. Deux
personnes se sont approchées de moi, nimbées de
cette splendide lumière, sans que cette étrange
apparition n'éveille de ma part le moindre
étonnement. Et pourtant ! Me voici en présence de
mon grand-père, disparu depuis huit ans, et de mon amie
Rolande, tragiquement décédée il y a deux
ans. Ils paraissaient heureux de me voir, souriants et
accueillants, identiques à l'image que j'avais
conservée d'eux. Je savais parfaitement qu'ils
étaient morts et cette pensée a emporté
définitivement ma conviction de l'être
également.
- Nous avons échangé quelques propos, mais notre
dialogue n'utilisait pas la forme habituelle du langage.
L'information circulait directement de cerveau à cerveau.
Mais avais-je encore un cerveau ? Je veux dire un cerveau en
état de marche. Et si ce n'était plus le cas,
comment pouvais-je vivre ces événements ? Comment
pouvais-je utiliser de telles facultés
télépathiques ? Comment puis-je m'en souvenir
aujourd'hui encore ? En tout cas, l'intégralité de
nos pensées était parfaitement intelligible, dans
l'instant même. Je ne me rappelle pas de toute notre
conversation et les bribes dont subsiste la trace
paraîtraient futiles à d'autres que moi. En revanche,
leur désir de me garder auprès d'eux et la
perspective d'une existence post mortem radieuse, qu'ils se
proposaient de me faire découvrir, demeurent bien
ancrés dans ma mémoire.
- Par la suite les choses se sont
accélérées. Mes guides étaient
toujours à mes côtés, bien que je ne les
apercevais plus, lorsque j'ai pénétré dans un
embrasement céleste tout aussi indescriptible que le reste.
Là, j'ai eu la très nette impression de me retrouver
dans un lieu familier, un endroit que j'avais bien connu ;
que j'avais toujours connu. Comme si j'étais partie depuis
peu de temps et que je revenais chez moi. Mais qu'est ce que
ça voulait dire : " peu de temps " ? Car la
notion de durée à laquelle on se
réfère habituellement était
complètement absente de cette histoire-là. En effet,
tout ce périple hors de mon corps s'est également
déroulé hors du temps : hors du corps et hors du
temps ! Une intemporalité absolue que je suis incapable
d'expliquer.
- Toujours est-il que j'ai perçu une autre
présence. LA présence, devrais-je dire. C'est d'elle
qu'émanait cette extraordinaire lumière. Et
aussitôt un sentiment d'amour incommensurable m'a
submergé. Un raz de marée d'amour tout aussi
inexprimable que le reste. Amour est d'ailleurs un concept humain
trop restrictif pour dire la communion avec ce soleil de
bonté et de tendresse. Notre vocabulaire est inapte
à rendre compte de telles sensations.
- La lumière connaissait la moindre parcelle de mon
existence, je le sentais, mais je ne me doutais pas que cette
impression se poursuivrait par une sorte de rétrospective
critique de ma vie. En effet, sans que je comprenne de quelle
manière, des pans entiers de mon passé se sont mis
à défiler devant moi : des événements
les plus proches aux souvenirs les plus éloignés de
mon enfance. J'ai même assisté à ma naissance
! Des scènes plus ou moins prépondérantes,
d'autres plus anodines ont resurgi devant moi. Spectatrice de ma
propre histoire j'ai pu en mesurer les mérites et les
faiblesses.
- Cette rétrospective était accompagnée de
remarques venues de la lumière. Remarques
généralement bienveillantes mais aussi, quelquefois,
teintées d'un humour quasi-sarcastique. J'ajouterai tout de
même que si je me suis sentie évaluée, je ne
peux pas parler d'un véritable jugement. Il s'agissait
plutôt, à la réflexion, d'une sorte
d'auto-évaluation commentée par la lumière.
Ou, mieux encore, d'un examen de conscience sans la moindre
possibilité de tricher. J'ai revu des scènes au
cours desquelles je ne me montrais guère à mon
avantage. Et c'est peu dire. Les moins flatteuses pour moi
suscitaient de sa part une réaction de moquerie
amusée. Je ne dirais pas qu'elle allait jusqu'à rire
mais je sentais bien que l'imbécillité de certains
de mes comportements l'amusait. Elle souhaitait manifestement
dédramatiser ces situations, me déculpabiliser, en
me faisant comprendre que seule l'ignorance était
responsable de tels actes. Elle soulignait à l'occasion les
conséquences de ce que j'avais cru être de petites
causes, en me montrant l'ampleur de leurs effets. Dans l'ensemble
il y avait de ma part du bon comme du mauvais, mais sans me
flatter le positif l'emportait malgré tout.
- J'ai vu des images de loisirs récents avec mes enfants,
des épisodes de ma vie professionnelle et familiale. Ma
rencontre avec Clément, notre mariage. Plus avant dans le
temps, c'était la collégienne rêvassant
à la fenêtre de sa chambre. Et plus avant encore,
vers l'âge de cinq ou six ans, la petite fille qui jouait
dans le jardin jouxtant le pavillon. Jusqu'à une
scène où j'étais assise sur une chaise haute,
en bois verni, dont le souvenir est désormais bien net.
Puis, je te l'ai dit, j'ai assisté à ma naissance.
En fait, j'y participais. Mais de manière lucide cette
fois-ci. C'est vraiment inouï !
- Tout cela m'a terriblement bouleversée,
après-coup. Car en visionnant ces extraits du film de ma
vie je vivais réellement mes émotions. Je les
revivais ! Et ce qu'il y a de plus étonnant, de plus
pénible aussi, c'est qu'il en allait de même pour les
émotions manifestées par les autres intervenants
présents à ces moments particuliers de mon
existence. Comme si je ressentais les sentiments d'autrui que mes
comportements avaient suscités. J'ai même eu la
surprise de constater que, dans des circonstances précises,
les réactions intimes de certains des protagonistes ne
correspondaient pas du tout à celles que je leur avais
prêtées sur le moment.
- Mais, à ce moment-là, ce ressenti n'avait
guère d'importance. Parcelle insignifiante d'un univers de
clarté où le temps n'existe pas, je demeurais dans
un état de béatitude inimaginable. Et au diapason de
cette inexplicable intemporalité les tranches de mon
existence étaient perçues instantanément. Il
est difficile, toutefois, d'en rendre compte avec des mots "
terrestres ". Ma vie passée ne se présentait pas
seulement devant moi en images se succédant dans une
chronologie à rebours. Les événements se
déroulaient en quelque sorte selon le scénario
original mais leur succession remontait le cours de ma vie.
- Parfois aussi, là c'est encore plus délicat
à expliquer, j'avais l'impression que mon existence
entière était étalée sous mes yeux,
indifférenciée dans ses étapes et toujours
sans que l'enchaînement des événements
paraisse se nourrir de temps. Je sais que c'est
complètement fou, totalement incompréhensible. Mais
cela s'est passé ainsi. Toutefois, comme je l'ai
indiqué, les scènes se succédaient de
façon que soit mis en évidence un lien de cause
à effet. Afin, peut-être, que les conséquences
de mes comportements me soient plus claires.
- D'ailleurs, pour moi, tout était limpide à ce
moment-là. Je comprenais tout avec une incroyable
rapidité. Qu'il s'agisse de ma vie ou de la Vie d'une
manière plus large. C'est comme si j'avais pu consulter les
archives d'une sorte de savoir universel. Pour utiliser un
cliché je dirais que je possédais alors la
connaissance de la vérité ultime. C'est le sentiment
que j'ai éprouvé. Cela peut sembler
prétentieux mais il n'y a pas de quoi en tirer orgueil
puisque le souvenir de cet enseignement, je crois que c'est le
mot, demeure si flou que je suis bien incapable d'en dire
plus.
- Puis la lumière de laquelle émanait toutes ces
connaissances m'a demandé si je désirais la suivre.
Ce n'était pas un ordre, elle me laissait le choix. Dans
l'espace d'un éclair l'image de mes deux enfants a fait
resurgir une réalité depuis longtemps
oubliée. J'ai immédiatement compris dans leurs
regards que mon absence leur serait une injustice inacceptable. Et
la responsabilité de cette injustice m'incombait !
- La brève pensée que je venais d'avoir pour mes
enfants a aussitôt mis un terme à cet épisode
d'incomparable félicité. Je n'ai même pas eu
le temps de protester de mes devoirs envers eux que la
réponse s'est imprimée en moi : " Tu dois repartir.
Tes enfants ont besoin de toi. " Ou quelque chose d'approchant,
mais en plus solennel. En somme, la lumière acceptait mon
choix, qui n'était pas vraiment réfléchi,
estimant prématurée mon accession dans ce paradis
puisque ma tâche ici bas n'était pas achevée.
Dans l'instant j'ai réintégré le corps
abandonné sur le lit. Je regrettais presque cette
pensée pour mes enfants, mais il était trop
tard.
- J'ignore la durée de mon absence. Quelques minutes ?
Qui ont paru des siècles. Mais je garderai toujours en
mémoire la profonde amertume de ce retour à la
nature humaine et à ses vicissitudes. L'étroitesse
et la lourdeur de l'enveloppe physique alliées à
l'engourdissement des fonctions cérébrales,
comparativement aux fabuleux pouvoirs et aux connaissances qui
venaient de m'être retirés, m'imposaient un retour
douloureux. La brutale déception de mon renvoi n'a pas
facilité la réadaptation. J'ai alors pleuré
comme je ne l'avais jamais fait. Joie et dépit
mêlés. Puis, progressivement, j'ai repris contact
avec la vie. Avec ma vie. La représentation était
terminée. Et quelle représentation !
- Mais il ne s'agit pas d'une représentation mentale en
rapport avec un rêve ou une hallucination. Je ne peux douter
un seul instant de la réalité de ce que j'ai
vécu. Car lorsque je me réveille avec le souvenir
d'un rêve, plus ou moins net en général, je
reconnais pleinement celui-ci comme une construction imaginaire.
Là, rien d'onirique. J'ai la certitude de m'être vue,
morte, allongée sur mon lit, d'avoir rencontré ces
deux personnes qui m'ont été si familières de
leur vivant et d'avoir voyagé jusqu'à cette
lumière qui est la véritable Source de la Vie. Sans
omettre qu'il m'a été donné de consulter les
archives de ma propre existence, alors que je n'avais plus le
moindre souvenir de la plupart des événements
revécus.
- Je me suis demandé qui serait capable d'entendre une
telle histoire. À qui pourrais-je la raconter sans passer
pour une folle ? Je n'ai pas voulu téléphoner
à Clément car, outre cet incroyable récit, je
lui aurais porté le coup de grâce en lui
dévoilant le rôle de ce pseudo médecin. J'ai
tout de suite pensé à toi. Le temps de
récupérer un peu et je t'ai appelé. Qu'en
penses-tu ? De quoi s'agit-il ? L'âme peut-elle quitter le
corps et y revenir ? "
-
- Ce récit est en tous points fidèle au
témoignage recueilli moins de deux heures après
qu'Angèle eût effectué son fantastique voyage.
C'était la première fois que j'entendais une
histoire aussi ahurissante. Ou aussi absurde ! Car je ne savais
absolument pas ce qu'il fallait en penser. Je savais encore moins
comment y répondre si ce n'est, dans un premier temps, en
réconfortant mon amie et en promettant de faire tout mon
possible pour lui apporter une explication au plus tôt.
- Elle allait d'abord me confier ce fameux flacon. J'en ferais
examiner le contenu par Charles, un ami qui dirige un important
laboratoire d'analyses médicales. J'étais
persuadé que le liquide contenu dans cette fiole
était à l'origine des hallucinations
d'Angèle. Pouvait-il en être autrement ?
- Informé des faits Carlito a bien voulu se charger de la
tâche. Celle-ci impliquait, entre autres procédures,
le recours à une technique d'analyse très fine, la
spectrographie en phase gazeuse, permettant d'identifier la
moindre molécule suspecte. Mais, en raison du
surcroît de travail du laboratoire et du traitement
prioritaire des urgences, un délai de quelques jours
à une ou deux semaines m'était demandé.
- Dans cet intervalle de temps j'ai discuté plus d'une
fois avec Angèle de son incroyable aventure. Des
échanges qui sont venus confirmer ses premiers propos,
donnant lieu à de nouveaux commentaires :
-
- " Je n'ai aucune preuve formelle de ce que j'avance mais j'ai
la ferme conviction d'avoir fait un saut de l'autre
côté. Un indice, que je considère
personnellement comme une preuve me démontre que je n'ai
pas rêvé ou déliré : je n'ai plus du
tout peur de mourir, moi qui étais jusqu'alors si
effrayée par la mort. Ce ne sont pas des paroles
irréfléchies. Et puis je ne vois plus la vie de la
même façon. C'est une autre manière
d'être présente au monde, d'apprécier ce qui
m'entoure, comme si je venais de renaître. Jusqu'ici je me
trompais et ne respectais pas suffisamment la vie, sous toutes ses
formes.
- J'ai bien du mal à digérer tout ça,
à faire le point. Mais je sais que je vais m'en sortir. Il
me faut encore améliorer ma relation aux autres et les
accepter comme ils sont. Ou m'en détourner, sans les juger
pour autant. Ça m'est d'ailleurs un peu plus facile car
depuis ce voyage de l'autre côté du décor j'ai
l'impression, c'est curieux, de pouvoir discerner
instantanément les personnes intéressantes de celles
dont la compagnie pourrait freiner mon... évolution. "
-
- Et le mystérieux liquide contenu dans le flacon ? Deux
semaines s'étaient écoulées lorsqu'un soir
assez tard, après la fermeture du laboratoire, Charles me
téléphona. Cet entretien mit mes conceptions
rationalistes à rude épreuve, me conduisant dans une
impasse intellectuelle dont j'aurais peine à sortir. Car
les résultats de l'analyse étaient négatifs :
de l'eau et quelques traces de sels minéraux. Rien qui
puisse soutenir la thèse des effets d'une drogue. Les
conclusions du laboratoire étaient sans appel. On avait
procédé à une double vérification et
il n'y avait pas la moindre probabilité d'erreur. Il me
fallait abandonner la piste d'un toxique psychoactif, que j'avais
privilégiée dans un premier temps, et chercher
ailleurs.
- Je n'étais guère enclin à souscrire
à l'hypothèse du trouble mental dont un
spécialiste, un psychiatre en l'occurrence, m'avait fait
part lorsque je lui avais décrit le tableau. Il faut dire,
également, que l'idée que l'on psychiatrise aussi
lestement le vécu d'Angèle me mettait mal à
l'aise. C'était faire fi de la qualité
émotionnelle et des accents de sincérité qui
ponctuaient ses propos, avec tout ce que les mots ne parviennent
pas à traduire. Des dimensions subjectives, me dira-t-on.
Sans doute, mais j'en avais moi-même perçu l'impact
et il m'était désormais impossible de les
ignorer.
- Comme je l'ai indiqué dans l'avant-propos, une
curiosité opportune m'avait poussé à
feuilleter le livre de Raymond Moody, La vie après la
vie1,
tombé d'un rayonnage de ma bibliothèque. À
l'époque, je ne connaissais absolument pas cet auteur et
j'ignorais tout du thème de sa recherche. Une regrettable
ignorance puisque j'aurais pu fournir à Angèle un
début d'explication dans l'immédiat, ce livre
traitant précisément du phénomène
qu'elle avait vécu ; à une nuance près, et de
taille : ceux qui la décrivaient avaient
échappé de peu à la mort !
- Dès le jour de cette découverte ma recherche
prenait un tour nouveau. Si de tels phénomènes
étaient aussi fréquents que l'assurait Moody, je
trouverais forcément d'autres personnes ayant vécu
ce genre d'expérience. Il me faudrait donc, si possible, en
interroger quelques-unes afin de comparer la teneur de leur
récit avec celui d'Angèle. Cela aurait pour premier
effet de la rassurer à propos de sa santé mentale,
plus encore que ne le ferait la seule lecture de cet ouvrage au
titre un peu racoleur.
- Ma première initiative fut de créer une
association dédiée à l'étude des
Expériences de Mort Imminente. L'article qu'un grand
quotidien régional consacra à la naissance de cette
éphémère association me permit de recueillir
d'autres témoignages. Ce qui démontrait sans la
moindre ambiguïté que ces phénomènes
étaient beaucoup plus répandus qu'on ne l'imaginait.
Parallèlement, dans la perspective d'approfondir ma
recherche, je me procurai quantité de publications sur le
thème. Enfin, à partir du mois de mars 1997, la
diffusion de mon compte rendu sur Internet
m'offrit de nouveaux contacts : des expérienceurs, des
chercheurs, mais aussi de simples curieux que la question
passionnait.
- Cette question qui les passionnait se rapportait avant tout
à la perspective d'un périple au pays de
l'après-vie. Mais ça n'avait pas beaucoup de sens
puisque les expérienceurs n'étaient pas vraiment
morts.
- Pas vraiment..?
- Mais sait-on au moins ce qu'est vraiment la mort ?
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1) Cf. bibliographie
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